Quelle est la portée du nouvel accord sur le télétravail ?
Le nouvel accord sur le télétravail est ni prescriptif, ni normatif, comme le souhaitaient les employeurs, et ne contient donc pas de nouvelles dispositions contraignantes. Il s’agit avant tout d’un guide des bonnes pratiques du télétravail destiné à aider l’entreprise dans la mise en place et la gestion du télétravail, y compris en cas de circonstances exceptionnelles. Il contient à la fois un rappel des règles légales déjà applicables ainsi que des recommandations et des points d’attention.
Le nouvel accord réaffirme le principe général selon lequel c’est au niveau de l’entreprise que les modalités précises de mise en œuvre du télétravail doivent être définies, dans le cadre fixé par le Code du travail, par les dispositions de l’ANI sur le télétravail de 2005 et du nouvel ANI qui complète celui de 2005, et par les dispositions négociées au niveau de la branche.
A noter : la publication d'un arrêté au Journal officiel est nécessaire afin que le nouvel accord sur le télétravail puisse s'appliquer, en principe en 2021, à l'ensemble des entreprises appartenant à un secteur professionnel représenté par les organisations patronales signataires (Medef, CPME, U2P).
Définition du télétravail
Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l'information et de la communication. L’ANI de 2005 ne porte que sur le télétravail exercé de façon régulière. Le nouvel ANI prévoit, quant à lui, les trois types de télétravail : régulier, occasionnel et en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure. Le télétravail peut s'exercer au lieu d'habitation du salarié ou dans un autre lieu (comme, par exemple, un espace de co-working).
L’accord rappelle que le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte du télétravail élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE), s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, ce mode de travail est possible par accord de gré à gré entre le salarié et l’employeur. La mise en œuvre du télétravail doit être compatible avec les objectifs de performance économique et sociale de l'entreprise.
Plus généralement, l'accord insiste sur l'importance de faire de la mise en place du télétravail un thème de dialogue social et de négociation au niveau de l'entreprise, et, le cas échéant, au niveau de la branche professionnelle.
Éligibilité des postes au télétravail
L'éligibilité des postes au télétravail ne relève pas uniquement de la responsabilité de l'employeur et de son pouvoir de direction. Ainsi, l’accord sur le télétravail prévoit que la définition des critères d'éligibilité peut utilement alimenter le dialogue social. Dans le cadre de ses missions habituelles, le CSE est consulté sur les décisions de l'employeur relatives à l'organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l'entreprise, dont les conditions de mise en œuvre et le périmètre du télétravail.
Double volontariat du télétravail et principe de réversibilité
L’accord insiste, comme dans les autres textes encadrant le télétravail, sur la nécessité du double volontariat pour le salarié et pour l’employeur. Ainsi :
- le télétravail peut être institué dès l'embauche du salarié ;
- en l’absence de dispositions dans l’accord ou la charte relatif au télétravail, l’employeur et le salarié peuvent formaliser leur accord, en cours d'exécution du contrat de travail, par tout moyen (un avenant au contrat de travail n'est plus requis). Il est toutefois fortement recommandé de recourir à un écrit, quel qu’il soit, afin notamment d’établir la preuve de cet accord ;
- le refus du salarié de télétravailler n'est pas un motif de rupture du contrat de travail ;
- en cas de refus par l'employeur d'une demande de télétravail émanant d’un salarié, l'accord rappelle les cas dans lesquels l’employeur doit motiver son refus en application du Code du travail ;
- si le télétravail ne fait pas partie des conditions d'embauche, l'employeur et le salarié peuvent, à l'initiative de l'un ou de l'autre, convenir par accord d'y mettre fin et d'organiser le retour du salarié dans les locaux de l'entreprise, dans l'emploi tel qu'il résulte de son contrat de travail.
Prise en charge des frais liés au télétravail
S'agissant de la prise en charge des frais professionnels, l'accord rappelle le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur, quelle que soit la situation de travail
L’éventuelle indemnité forfaitaire de télétravail que l’employeur peut décider de verser pour rembourser une partie des frais engagés par le salarié est exonérée de cotisations et de contributions sociales dans la limite des seuils prévus par la loi.
Télétravail en cas de circonstances exceptionnelles
Un chapitre entier de l'accord est consacré à la mise en œuvre du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles (pandémie, catastrophe naturelle, destruction des locaux d'une entreprise) ou de force majeure. Celui-ci précise que la mise en place du télétravail, dans ce cas, relève de la responsabilité de l’employeur et de son pouvoir de direction. Toutefois, l’ANI recommande que l’accord ou la charte relatif au télétravail prévoie les conditions et modalités de mobilisation du télétravail si de telles situations surviennent. L’objectif étant d’anticiper l’organisation du recours au télétravail, notamment en analysant en amont les activités éligibles, afin de garantir la continuité de l’activité de l’entreprise.
Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et de CSE, l'accord encourage les employeurs à organiser des concertations avec les salariés. Toutefois, le principe de double volontariat ne s'applique pas. L’employeur doit jouer un rôle clef dans la fixation des objectifs et la priorisation des activités.
Droit à la déconnexion et au respect de la vie privée
S'agissant du contrôle du temps de travail, le nouvel accord rappelle que les dispositions du Code du travail imposent à l'employeur de contrôler la durée du travail du salarié. L'employeur fixe, en concertation avec lui, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter. Il résulte des dispositions légales que si un moyen de contrôle de l'activité du salarié et du temps de travail est mis en place, il doit être justifié et proportionné au but recherché. Le salarié doit en être informé et une consultation préalable du CSE est nécessaire.
Le droit à la déconnexion (droit pour tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel en dehors de son temps de travail) doit faire l'objet d'un accord ou d'une charte. L'employeur organise chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d'activité et la charge de travail du salarié en télétravail.
Pour aller plus loin : la Cnil a publié sur son site internet un questions-réponses sur le télétravail portant en particulier sur les modalités et limites du pouvoir de contrôle par l'employeur de l'activité des salariés via des outils informatiques. Elle y donne son avis sur l'utilisation de certains dispositifs auxquels les employeurs peuvent être tentés de recourir pour surveiller leurs salariés en télétravail.
Santé et accidents du travail
L'accord rappelle qu'il existe une présomption légale d'accident du travail en cas de télétravail. Par ailleurs, l’accord rappelle, comme dans l’ANI de 2005, que les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail sont applicables aux salariés en télétravail ; il ajoute cependant qu’il doit être tenu compte du fait que l’employeur ne peut avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail et de l’environnement qui relève de la sphère privée.
Source : ANI du 26-11-2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail